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24 décembre 2013 2 24 /12 /décembre /2013 18:26

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E

n 1784, la revente des terrains de l'arsenal des galères ayant rapporté 200 000 livres, les échevins marseillais songèrent à ériger un arc de triomphe à la gloire de Louis XVI.

Le lieu pressenti fut d’abord dans la rue Paradis un emplacement entre la rue du Jeune Anacharsis et la rue de la Darse rebaptisée rue Francis Davso à la libération en l’honneur d’un résistant marseillais, qui travaillait au magasin "Aux Dames de France", fusillé le 16 juin 1944.

Le choix du lieu n’ayant pas fait l’unanimité, le conseil lui préféra l’ancienne porte royale située à l’emplacement d’un aqueduc amenant les eaux de l’Huveaune et du Jarret dans le grand réservoir des Présentines.

Le lieu est aujourd’hui connu sous le nom de la porte d’Aix même si son nom officiel est Place Jules Guesde en l’honneur de Jules Bazile dit Guesde, fondateur du Parti Ouvrier Français. Il incarna la ligne dure du militantisme ouvrier, opposée à tout compromis avec les "forces bourgeoises".  

L’idée dormit presqu’un demi-siècle et ne fut reprise qu’en 1823 pour honorer la gloire du duc d’Angoulême dont on disait en plaisantant qu’il était devenu tellement téméraire après la prise du fort Trocadéro, "qu’il osait allait se couchait sans chandelle".

Ainsi la rue du Jeune Anacharsis ne connut pas le noble destin de déboucher sur l’œuvre de l’architecte Michel-Robert Penchaud et des sculpteurs Pierre-Jean David d’Angers et Claude Ramey.

A vrai dire elle n’existait même pas à l’époque puisqu’elle se trouve sur l’ancien emplacement du couvent des carmes déchaussés (ou déchaux) qui selon Augustin Fabre "avait un beau jardin et son église était ornée de pilastres corinthiens".

Les frères des carmes déchaux sont ainsi nommés parce qu’en signe de pauvreté, ils vont nu-pieds dans des sandales.

Ils fournissaient aux marseillais une liqueur appelée eau des Carmes ou eau de mélisse.

Installés depuis 1631 en ces lieux, leur couvent fût détruit à la révolution.

Mon enfance fût marquée par la fascination que le nom du jeune Anacharsis exerçait sur moi.

J’imaginais l’histoire fantastique d’un jeune homme téméraire qui avait marqué de son empreinte la légende de Marseille au même titre qu’un Pythéas ou qu’un Euthymènes voguant sans crainte vers des terres inconnues.

J’ignorais bien entendu qu’elle avait reçu ce nom en 1806 comme un hommage à l’abbé Jean-Jacques Barthélémy, l’illustre auteur de l’imaginaire Voyage du jeune Anacharsis en Grèce dans le milieu du IVe siècle

Jean-Jacques Barthélémy, qui mit près de 30 ans à écrire cette histoire, présente son héros en avant propos de son livre: "Je suppose qu'un Scythe, nommé Anacharsis vient en Grèce quelques années avant la naissance d'Alexandre et que d'Athènes, son séjour ordinaire, Il fait plusieurs voyages dans les provinces voisines"

Il y croise les plus grands hommes de cet époque comme Epaminondas, Phocion, Xénophon, Platon, Aristote, Démosthène et observe pendant 22 ans avec minutie les mœurs et usages des peuples jusqu’à la victoire de Philippe de Macédoine sur les petites républiques grecques.

L’auteur avait d’abord songé faire de l’histoire du siècle du pape Léon X, Jean de Médicis.

"Ce sujet me présentait des tableaux si riches, si variés et si instructifs, que j’eus d’abord l’ambition de le traiter ; mais je m’aperçus ensuite qu’il exigerait de ma part un nouveau genre d’étude ; et, me rappelant qu’un voyage en Grèce au temps de Philippe, père d’Alexandre, sans me détourner de mes travaux ordinaires, me fournirait le moyen de renfermer dans un espace circonscrit ce que l’histoire grecque nous offre de plus intéressant, et une infinité de détails concernant les sciences, les arts, la religion, les usages, etc., dont l’histoire ne se charge point, je saisis cette idée ; et, après l’avoir longtemps méditée je commençais à l’exécuter en 1787, à mon retour d’Italie".

Il nous a livré une œuvre magistrale qui mérite bien que la plus vieille et la plus helléniste des cités françaises lui consacre une rue même si elle ne fait que cent mètres de long.

Patrice Leterrier

23 décembre 2013

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