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os bambins ont repris depuis maintenant deux semaines le chemin de l’école.
Premières notes, premières félicitations pour les meilleurs, premières punitions, avertissements et autres sanctions pour d’autres.
Autorité, obéissance, discipline, des mots chargés d’opprobre par les inconditionnels de Françoise Dolto, réhabilités, avec un certain talent médiatique, par des psychologues comme Didier Pleux auteur "de l’enfant roi à l’enfant tyran" qui ose poser la question "Est-ce un crime de lèse-majesté que d'affirmer que l'interprétation analytique de Françoise Dolto a participé à certaines confusions pour l'éducation de nos enfants ?".
On connaît aussi les écrits de Marcel Rufo sur l’autorité parentale. Dans une interview parue dans Famille & Education il affirmait "Le bonheur, ce n’est pas toujours immédiat. Anna Freud le disait : « La frustration, c’est nécessaire ». Savoir attendre ce que l’on désire, c’est important. Les familles ne sont peut-être pas assez frustrantes".
A vrai dire beaucoup de débats inutiles pourraient être évités si, comme nous y invite le professeur Daniel Marcelli, chef du service de psychiatrie infanto-juvénile du CHU de Poitiers, nous revenions simplement à l’étymologie du mot obéir, “Oboedire” qui veut dire être soumis, docile mais aussi écouter, prêter l'oreille. En forme presque de provocation, cet éminent spécialiste nous affirme qu’il n’est pas "interdit d’obéir", de faire la distinction entre obéissance et soumission.
On peut obéir, "prêter l’oreille" parce qu’on y est contraint, parce qu’on veut faire plaisir ou pour la meilleure des raisons qui est que l’enfant a compris son propre intérêt caché derrière le commandement de l’adulte.
Obéir c’est aussi donner du sens à la désobéissance puisqu’il s’agit de reconnaître la différence entre l’éducation, le transfert du savoir et le dressage, l’arbitraire qui consiste à soumettre au besoin par la contrainte(6). "Éduquer un enfant, c’est l’amener à se sentir libre d’obéir" affirme Daniel Marcelli.
Mais les règles de l’éducation ont tellement changé depuis le temps des coups de règle au bout des doigts, des bonnets d’âne et autre vexations et châtiments que beaucoup de parents sont désemparés ou tout simplement démissionnent.
La psychanalyste Arlette Garih rapporte l’anecdote suivante "Je rencontre des parents totalement désemparés, qui viennent épuisés à ma consultation avec des petits de trois ans dont ils n'arrivent pas à venir à bout. Quand je demande au bambin : “Sais-tu pourquoi tu es ici ?», la réponse fuse : “ben oui, c'est parce qu'ils ne veulent pas faire ce que je veux…”".
Alors sans vouloir réhabiliter les pratiques du bon vieux temps de la discipline imposée, militaire obtenue par la contrainte et les brimades en tout genre, il paraît tout de même souhaitable de "reparler d’interdictions , de règles et de cadre, s’employer à réintroduire des limites afin de permettre à ces enfants de pouvoir vivre en société", d’arrêter avec le mythe désastreux de la frustration obstacle au développement de l’enfant. Il ne s’agit pas moins que de leur apprendre à devenir des hommes et des femmes libres mais responsables de leurs actes, à devenir des homo civilis en quelque sorte.
Patrice Leterrier
21 Septembre 2009