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15 novembre 2012 4 15 /11 /novembre /2012 18:52

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Un article du Journal of Consumer Research nous apprend que “l’apparence physique de l’argent peut altérer le comportement en matière de dépense”.

Amusant ce rapport "physique" que nous aurions avec le papier monnaie et qui nous pousserait à être plus dépensiers lorsqu’il s’agit de coupures usagées que lorsque nous tenons dans nos mains des billets flambants neufs.

Cela me rappelle les réflexes conservateurs de nos aïeuls qui gardaient les "habits neufs" pour les grandes occasions, qui servaient d'abord le pain de la veille, le fruit légèrement gâté, qui couvraient leurs fauteuils avec des housses et qui nous imposaient des patins pour marcher sur le parquet plus ou moins reluisant de leurs modestes demeures.

Et je ne vous parle pas du soin méticuleux qu’ils prenaient à couvrir religieusement LE poste de TSF dont la petite lumière verte scandait en vacillant la voix, souvent troublée de parasites, du commentateur radiophonique.

Mais peut-être aussi que ce reflexe de nous séparer rapidement de ce qui a l’air usagé vient aussi du fait qu’aujourd'hui tout se consomme neuf et dans l'instant.

Nous sommes devenus en quelque sorte les esclaves de cette immédiateté et de cette soif de nouveauté qui règne en maître de nos jours.

Si en 2006, l'internaute abandonnait un site s'il répondait en plus de six secondes, aujourd'hui une vidéo qui ne démarre pas dans les 2 secondes a des chances de ne pas être regardée et le taux d'abandon augmente de 6% pour chaque seconde supplémentaire.

Plus encore, des études conduites par Google et Microsoft montrent qu’une page web qui s’affiche en plus de 250 millisecondes risque d’être abandonnée par l’utilisateur.

Harry Shum, célèbre gourou de Microsoft déclare : “Two hundred fifty milliseconds, either slower or faster, is close to the magic number now for competitive advantage on the Web

A titre de référence, un clignement d’œil prend environ 400 millisecondes.

Notre impatience est probablement largement liée au fait que tout parait instantané aujourd’hui avec l'envahissement des smartphones, des tablettes, de la télévision.

Mais cette impatience devant les fantastiques outils de communication dont nous disposons ne semble pas se résumer à ce seul domaine.

On refuse de plus en plus d’avoir à attendre pour obtenir tel ou tel résultat, tel ou tel bien de consommation.

L’une des causes du succès inquiétant pour la santé publique des fastfoods n’est-elle pas liée à la rapidité avec laquelle on peut consommer ce qu’on croit avoir choisi alors que ce choix est largement conditionné par la publicité et la composition de ces big machins soigneusement concoctés par des apprentis sorciers qui jouent avec notre santé en essayant de nous rendre addicts à leurs créations.

Quelle différence il y-a-t-il entre un Iphone 4 et un Iphone 5 ? D’aucuns vous diront que le nouveau est plus fin, plus léger, plus rapide (tiens, tiens…) mais tous les deux permettent, à titre presqu’anecdotique, de téléphoner et la plus grosse différence n’est-elle pas celle qui sépare le chiffre 4 du chiffre 5, celle qui sépare l’ancien du nouveau, celle qui permet à la firme à la pomme de faire fortune en créant non pas des objets utiles mais une mode qui lui évite d’avoir à se comparer à la concurrence ?

Essayez aussi de faire porter aux cadets les habits de leurs ainés, ou d’expliquer à un écolier que son cartable de l’année dernière peut encore lui servir.

Bientôt l’expression "une seconde s’il vous plait" devra se dire "un quart de seconde s’il vous plait" si on ne veut pas irriter son interlocuteur en attendant peut-être que nos montres battent le quart de seconde.

Mais que faire alors de ces trois quart de seconde économisé ?

Peut-être réfléchir à ce que veut dire cet emballement du temps.


Patrice Leterrier 

15 novembre 2012

 

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10 novembre 2012 6 10 /11 /novembre /2012 09:16

 

mammouth.jpeg

 

Q

 

uel rapport entre la découverte sur le site de fouille gallo-romain de Changis-sur-Marne d’un squelette étonnamment complet de mammouth laineux, ayant vécu entre 200.000 et 50.000 ans avant notre ère et la pièce "Troubles dans la représentation", d’Aline César ?

Rien à priori sauf peut-être cette petite phrase prononcée par l’acteur Malik Faraoun jouant le rôle de l’homme cobaye "Il y a des hommes plutôt faits pour la cueillette, la décoration d’intérieur et les enfants au parc, et des femmes bâties pour trépaner le mammouth, faire du bruit et des embuscades".

Trépaner le mammouth c’est justement ce que faisait probablement des hommes et des femmes néandertaliens puisqu’on a retrouvé prés des ossements du pachyderme, une "pointe Levallois", une pierre taillée utilisée par les Néandertaliens du paléolithique moyen pour dépecer leurs proies.

La pointe levallois , qui doit son nom au site des carrières de Levallois-Perret, se caractérise par une méthode de débitage de silex décrite dès la fin du XIXe par Victor Commont.

Il est encore trop tôt pour savoir si l’animal s’est embourbé tout seul ou s’il a été chassé par des hommes et on ne saura certainement jamais si cette hypothétique chasse impliquait des femmes néandertaliennes d’autant qu’il a été longtemps admis que les femmes tenaient des rôles subalternes dans les sociétés primitives.

L’idée d’une différence qualitative entre le cerveau de l’homme et celui de la femme a d’ailleurs la vie dure depuis que le célèbre anthropologue Pierre-Paul Broca, affirmait (page 15 de sa communication "Sur le volume et la forme du cerveau suivant les individus et suivant les races") : "Il est donc permis de supposer que la petitesse relative du cerveau de la femme dépend à la fois de son infériorité physique et de son infériorité intellectuelle", idée largement admise de son temps comme celle de race supérieure et de race inférieure.

Aujourd’hui les clichés pseudo-scientifiques prétendument preuves de la différence de capacités intellectuelles entre des hommes et des femmes s’effondrent les uns après le autres même si le rôle des hormones sexuelles sur le cerveau en développement est indéniable et que certains chercheurs affirment encore que des différences anatomiques et fonctionnelles réelles existent en particulier dans les zones concernant le langage, la mémoire, la vision, les émotions, l’audition et le repérage spatial.

Mais il faut aussi souligner que les variations entre les capacités intellectuelles individuelles sont bien plus importantes que celles supposées exister entre les hommes et les femmes et que l’incroyable plasticité cérébrale et la pression des traditions rend quelque peu caduques des affirmations génériques sur des différences d’origine biologiques.

Sur une vidéo mise en ligne par universcience.tv, Catherine Vidal, neurobiologiste à l'Institut Pasteur, et Françoise Héritier, anthropologue au Collège de France, démontent magistralement les fausses évidences de la différence entre les capacités intellectuelles des hommes et des femmes, redonnant aux préjugés culturels leurs rôles dans les disparités pour ne pas dire les inégalités qui conduisent aux "différences" constatées entre hommes et femmes dans les matières scientifiques en particulier.

Catherine Vidal rappelle que "l'imagerie cérébrale montre l'importance de la variabilité individuelle qui dépasse largement la variabilité entre les sexes. Rien d'étonnant puisque 90 % des circuits de neurones se forment après la naissance. Il en résulte donc que personne ne possède exactement le même cerveau, y compris les vrais jumeaux. "

Qui peut encore par exemple sérieusement affirmer que le rose est associé aux femmes parce qu’elles avaient le rôle de cueilleuses des fruits mûrs ?

On a longtemps prétendu que les femmes seraient multitâches parce que leur corps calleux était soi-disant plus épais mais des études récentes infirment cette affirmation sexuée.

Si on arrêtait de convaincre les petites filles, dès la plus tendre enfance, qu’elles ne sont pas faites pour la géométrie on en finirait avec cette tarte à la crème qui veut qu’elles soient peu douées pour le repérage spatial.

Bien d’autres lieux communs courent sur les femmes intuitives et les hommes rationnels, les femmes fidèles et les hommes volages et d’autres stupidités résumées dans l’affirmation les hommes viennent de Mars les femmes de Vénus.

Oublions donc ces fausses évidences dans lesquelles se vautrent certains journalistes en mal (sans jeu de mots) de sujet.

D’ailleurs comment définir ce qui différencie l’homme lui-même des autres animaux quand un corbeau réfléchit avant d’agir, un éléphant parle le coréen et se reconnaît dans un miroir, un beluga dialogue avec ses dresseurs, des corneilles savent reconnaître une présence derrière eux ou toutes les capacités cognitives et émotionnelles que l’on découvre au fur et à mesure chez nos cousins les grands singes.

Et que dire des différences avec de possibles aliens vivant sur la planète HD 40307 g potentiellement habitable et située à quelques 42 années-lumière de la terre dans la constellation du peintre ?

Peut-être l’humour et l’autodérision font-ils partie des dernières capacités cognitives propres à l’espèce humaine mais à voir le sourire narquois de certains de nos proches cousins on peut quelquefois en douter ?

 

Patrice Leterrier

9 novembre 2012

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28 octobre 2012 7 28 /10 /octobre /2012 17:44

 

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S

 

ur son blog Globule et téléscope, Michel Alberganti, s’appuyant sur un article de Max Wyss dans Earth magazine, met en exergue "une confusion dans les responsabilités" au cours du procès de l’Aquila qui a secoué la communauté scientifique.

On rappelle que, le 22 octobre 2012, le juge Marco Billi a condamné 7 personnes à 6 ans de prison ferme et 7,8 millions d’euros de dommages et intérêts pour ne pas avoir alerté les habitants d’Aquila sur les risques qu’ils courraient.

L’article de Max Wyss fait apparaître le rôle central de Bernardo de Bernardinis, directeur adjoint du Département de la protection civile, qui déclarait à une chaine de télévision locale une heure avant la réunion des experts que "la situation sismique de L’Aquila est certainement normale et ne présente pas de danger” ajoutant même que “La communauté scientifique continue de m’assurer que, au contraire, la situation est favorable en raison de la décharge continue d’énergie".

Bernardo de Bernadinis ne corrigera pas ses déclarations lors de la conférence de presse qui se tint après la réunion de la commission, mais en l’absence des sismologues dont les conclusions étaient beaucoup plus "évasives" et "prudentes".

Dès lors, on peut se demander pourquoi cette condamnation collective à cause le l'imprudence et surtout  l'incompétence d'un des leurs?

La justice italienne a, semble-t-il, décidé de passer outre les doutes et incertitudes de la science pour trancher sans complexe.

Le 12 octobre, la cour de cassation de Brescia a reconnu que la maladie d’Innocente Marcolini, un financier d’une soixantaine d’années, était due à l’utilisation de son portable de façon intensive qui lui aurait provoqué une tumeur au cerveau.

Ce sujet est aujourd’hui hautement controversé et aucune étude, y compris celle d’Interphone n’a jamais vraiment démontré le moindre lien direct entre l’usage du téléphone portable et le cancer.

Le professeur André Aurengo, dont les prises de positions sont souvent attaquées par certaines associations militantes, affirmait en janvier 2012 sur le site de l’Afis, que "les données disponibles sont de nature à rassurer l’immense majorité des utilisateurs, d’autant qu’à ce jour aucune hypothèse susceptible d’expliquer comment des champs électromagnétiques dans cette gamme de fréquences pourraient être cancérigènes n’a été confirmée et que les portables modernes 3G émettent 100 fois moins que les GSM qui étaient l’objet d’Interphone".

Il rappelait que l’usage du téléphone portable au volant, pratique qu’on peut massivement constater de nos jours chez les usagers, fait par contre de nombreuses victimes.

L’argument est contestable et ne justifie en aucun cas que l’on ne poursuive pas les études sur les risques de l’utilisation intensive du téléphone portable.

Le fait que nous risquions beaucoup plus de mourir de maladies cardiovasculaires ou du cancer ne justifie en aucun cas l’arrêt des recherches sur les maladies rares.

Aujourd’hui il y a plus de 6 milliards d’usagers du téléphone portable et le seuil d’un milliard de smartphone a été franchi récemment.

Ces chiffres semblent indiquer que les risques de son usage même intensif ne sont pas énormes mais il justifie aussi que l’on poursuive avec ténacité les recherches.

Les messages ambigus de prévoyance émis par les autorités ne sont peut-être pas justifiés du point de vue scientifique mais peuvent peut-être inciter à un usage plus mesuré du portable.

Les jeunes générations, accrocs de SMS, semblent préférer de plus en plus un pianotage fébrile et continu sur leur téléphone portable à une communication directe et physique avec leurs interlocuteurs.

Quelles seront, à long terme, les conséquences, peut-être pas sanitaires mais à coup sûr sociétales, de cette déferlante de désynchronisation et de dématérialisation des relations humaines ?


Patrice Leterrier

28 octobre 2012

 

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26 octobre 2012 5 26 /10 /octobre /2012 13:56

 

 

gorilla_eating.jpg

 

J

 

e ne vous parlerai pas de l’aventure du robot Curiosity qui poursuit à une allure testutinesque sa marche sur la planète rouge en direction du mont Sharp à la recherche de trace de vie. Selon la Nasa, il lui faudra au moins trois mois à raison de cent mètres par jour pour atteindre son but distant de huit kilomètres.

Je passerai aussi sous silence cette stupéfiante nouvelle que le jus de tomate est meilleur en altitude que sur le plancher des vaches. C’est du moins ce qui ressort de l’étude menée par des chercheurs de l'Institut Fraunhofer de Physique des Bâtiments, pour le compte de Lufthansa.

Je ne m’attarderai pas non plus sur les travaux de l’équipe d’Armin Falk, de l’Université de Bonn, et des collègues de l'Université de Maastricht qui nous révèle cette incroyable nouvelle que la testostérone rend les hommes plus sincères.

Je ne soulignerai pas plus l’alerte sanitaire suite à dix huit cas d’intoxication alimentaire survenus dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur à cause de farines de sarrasin bio.

La nouvelle n’a pas fait la une du nouvel observateur alors qu’il ne s’agissait pas de rats de laboratoire supposés victimes de maïs transgénique mais bien d’humains victimes d’une intoxication potentiellement grave au datura, une "mauvaise herbe" invasive présente au bord des champs mélangée au sarrasin lors de la moisson. Une seule graine de datura pour 100 000 graines de sarrasin suffit pour rendre la farine toxique. La cause de cette contamination est clairement la culture bio du fait de la non-utilisation d’herbicides.

Je ne vous parlerai pas d’avantage de cette constatation bouleversante faite dans une étude américaine que la consommation de chocolat est directement liée au nombre de lauréats de prix Nobel et qu’à ce titre la Suisse avec 12 Kg par an et 22 prix Nobel arrive largement en tête.

Je ne vous entretiendrai pas du grave sujet de savoir si, malgré l’extraordinaire prégnance de la science et de la technologie, l’évolution d’homo sapiens continue ni de savoir quelle est l’influence de la culture sur notre évolution génétique : Jean-Jacques Hublin, paléoanthropologue à l'institut Max-Planck de Leipzig (Allemagne) y répond dans les colonnes du Figaro.

Je n’ajouterai pas mon indignation à celles beaucoup plus qualifiées des sismologues devant l’ahurissante condamnation prononcée à l’encontre des experts n’ayant pas prévus le drame du séisme d’Aquila.

La nouvelle que je souhaite porter à votre connaissance, alors que je devine  votre impatience après cet inventaire fastidieux, c’est la surprenante découverte de Karina Fonseca-Azevedo et Suzana Herculano-Houzel, sémillantes neuroscientifiques Brésiliennes.

La question simplissime à l’origine de leur étonnante découverte est de comprendre pourquoi les plus grands primates comme les gorilles qui nous surpassent en terme de taille et de capacités physiques n’ont-ils pas de plus gros cerveaux que celui d’homo sapiens ?

Pourquoi les êtres humains possèdent en moyenne 86 milliards de neurones alors que les gorilles se contentent de 33 milliards et les chimpanzés de 28 milliards ?

Le prix à payer de cette richesse neuronale est que notre cerveau consomme 20 pour cent de l'énergie utilisée par notre corps au repos alors que les autres primates n’ont besoin que de 9 pour cent.

Dans les années 1990 le primatologue Richard Wrangham avait déjà émis l’hypothèse que le cerveau de notre ancêtre, l'Homo erectus, a commencé à se développer il y a environ 2 millions d’années au moment où il a appris à rôtir la viande et à cuire les légumes-racines tubéreuses.

Pour vérifier cette thèse, les neuroscientifiques brésiliennes ont compté le nombre de neurones dans le cerveau de 13 espèces de primates (et plus de 30 espèces de mammifères). Elles ont constaté que la taille du cerveau est directement liée au nombre de neurones dans un cerveau, et que le nombre de neurones est directement corrélé à la quantité d'énergie (ou calories) nécessaire pour nourrir le cerveau.

Pour fournir l’énergie nécessaire au fonctionnement de son cerveau avec des aliments crus non transformés, l’homme devrait consacrer 9,3 heures par jour à se nourrir !

La cuisson des aliments est la solution trouvée par l’homme pour s’affranchir de cette limitation et c’est probablement une des causes majeures de l’extraordinaire taille du cerveau humain qui fait d’ailleurs que le petit d’homme est aussi peu mature lorsqu’il sort du ventre de sa mère.

Gloire donc à ces premiers apprentis cuistots qui ont découvert le feu et la saveur des aliments cuits.


Patrice Leterrier

25 octobre 2012

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19 octobre 2012 5 19 /10 /octobre /2012 17:44

oursbanquise2.jpg

D

e nos jours, nous ne voyons guère de disciples de Galilée s’appliquant à jeter du haut d’une tour des boulets de tailles différentes pour vérifier la loi de la gravitation universelle associée dans l’iconographie scientifique à la pomme de Newton ni même d’admirateurs de Pascal gravissant les pentes du Puy de Dôme pour vérifier la variation de pression atmosphérique en fonction de la hauteur où l’on se situe.

Il semble aujourd’hui acquis comme une évidence, qui ressemble fortement à une croyance, que les acquis de la science s’imposent à tout un chacun.

Et pourtant aujourd’hui nous sommes assaillis de conclusions contradictoires se réclamant toutes d’une approche rigoureusement scientifiques sans que nous puissions véritablement et sereinement départager les protagonistes de ces débats qui tournent immanquablement au pugilat.

Les exemples récents de ces empoignades ne manquent pas que ce soit sur la dangerosité des OGM, les conséquences du réchauffement climatique et ses causes, les mérites comparés de l’agroécologie sur l’agriculture intensive, les risques et enjeux du nucléaire et bien d’autres sujets encore.

Il est aujourd’hui bien difficile de faire la différence entre des plaidoyers militants et des études sérieuses.

Pourquoi des questionnements aussi importants sont-ils systématiquement "buzzéifiés", discréditant au passage la parole des scientifiques qui, par ailleurs, ne font pas de grands efforts pour être compris et entendus tant ils sont prisonniers de la tyrannie de la publication et de la quête humiliante aux subsides?

Sommes nous condamnés à subir l'ostracisme bien pensant puissamment alimenté par des intérêts financiers ou au contraire livrés à la vénération de l'audimat qui ne donne la parole au sensationnel, au manichéisme souvent grotesque, parfois coupable, au contrepied proclamé sans preuve et en toute impunité?

Est-il illusoire de rêver d’une information apaisée, contradictoire mais documentée sur des sujets aussi sérieux que ceux qui conditionnent l'avenir des générations futures au lieu de laisser la parole aux prosélytes de toutes confessions ?

Au moment où, selon Strategy Analytics, la barre symbolique du milliard de smartphones dans le monde a été franchie au troisième trimestre, au moment où jamais l’information et la communication n’avaient atteint un tel niveau de diffusion et d’instantanéité, jamais non plus des sujets d’une complexité impressionnante mais d’une importance considérable n’avaient été aussi confisqués par des charmeurs de serpents soucieux d’enrôler des fidèles à leurs justes causes qui s’apparentent plus à des croyances qu’à des vérités scientifiques.

On prête à André Malraux la phrase "Le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas". Il n’est pas sûr qu’il l’ait dite mais il avait peut-être raison (s’il l’a dite J ) sauf qu’en plus de l’éveil inquiétant des fanatismes religieux il y a aussi le fanatisme de ceux qui prennent la science en otage pour s’autoproclamer les nouveaux messies sauveurs du monde, alors qu’ils ne sont que des gourous transformant le débat en une guerre de religion.

J’ai pour ma part la nostalgie de la controverse utile et apaisée qui ne vise pas à prendre son contradicteur pour un ennemi ni à lui jeter des arguments comme des anathèmes visant à disqualifier son propos.

L’instrumentalisation systématique des débats, comme des phares de voitures qui nous éblouissent en pleine nuit, ne participe pas à la clarté des arguments.


Patrice Leterrier 

19 Octobre 2012

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16 août 2012 4 16 /08 /août /2012 15:03

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P

ierre Barthélémy reprend sur son blog une question posée à plusieurs chercheurs par Davide Castelvecchi : "quelle expérience mèneriez-vous si, à défaut d'avoir l'éternité devant vous, vous disposiez de plusieurs millénaires, voire davantage ? ".

Les réponses sont à lire sur son blog et cette imaginaire capacité à maîtriser le "temps vécu" est un surprenant et intéressant contrepied à l’usage que nous faisons du temps qui passe à notre époque où internet a "laminé" la notion du temps à prendre pour comprendre, réfléchir, admirer, écouter l’autre, entendre la musique ou tout simplement attendre.

Aujourd’hui nous vivons dans une course effrénée et permanente à l'instantanéité, sous le joug de la tyrannie du scoop, dans la dépendance quasi pathologique aux messages courts (1,13 milliards de SMS envoyés en France pour le nouvel an 2012), inféodés au règne sans partage de "twitter" et où nous sommes près d’un milliard (1 humain sur 7) à être de fidèles sujets de l’empire tentaculaire Facebook.

Marcel Proust partait à la recherche du temps perdu mais aujourd’hui nous perdons notre temps à la recherche de je ne sais quel but en le consommant frénétiquement.

Bien sûr il nous faut distinguer comme le faisait Gaston Bachelard le temps vécu, subjectif dans ces facettes, existentiel (le temps qu’on vit), conscientiel (le temps que l’on ressent), idéel (celui qu’on construit et structure), du temps objectif que l’on mesure.

Déjà Saint Augustin répondait à la question qu’est-ce donc que le temps ? "Si personne ne me pose la question, je le sais ; si quelqu'un pose la question et que je veuille expliquer, je ne sais plus", résumant ainsi magistralement l’inexprimable nature du temps repris par Henri Poincaré lorsqu’il écrit parlant du temps intuitif "tant que l’on ne sort pas du domaine de la conscience, la notion du temps est relativement claire".

Platon y voyait comme une imitation mobile de l’éternité et Aristote l’associait au changement qui ponctue le passage du avant à l’après, un temps sensible, vécu qui est au fond assez moderne et en phase avec notre perception.

Isaac Newton opposait au temps absolu, "vrai et mathématique, sans relation à rien d’extérieur" qui "coule uniformément, et s’appelle la durée" le temps relatif, apparent et vulgaire mesuré en minutes, heures, jours, mois, etc… qui rythme notre vie.

Wilhelm Wundt insiste sur l’étroite relation entre la perception que nous avons de la succession des représentations qui parviennent à notre conscience et notre intuition du temps.

Il souligne la variabilité du temps ressenti selon sa durée (nous surestimons les temps courts intenses et sous-estimons les longues durées) et selon que nous sommes en pleine activité ou en train de rêvasser dans une douce oisiveté

Henri Bergson, parlant de la sensation que nous avons du temps en écoutant une mélodie, écrit "n’avons-nous pas la perception nette d’un mouvement qui n’est pas attaché à un mobile, d’un changement sans rien qui change ? Ce changement se suffit, il est la chose même. Et il a beau prendre du temps, il est indivisible" 

On pourrait ainsi dire qu’après un air de Mozart, le temps lui aussi, comme le silence, est du Mozart.

Gaston Bachelard résumait magnifiquement ce dilemme en écrivant dans la dialectique de la durée "sur le plan musical, il nous faut montrer que ce qui fait la continuité, c’est toujours une dialectique obscure qui appelle des sentiments à propos d’impressions, des souvenirs, à propos de sensations. Autrement dit, il faut prouver que le continu de la mélodie, que le continu de la poésie, sont des reconstructions sentimentales qui s’agglomèrent par delà la sensation réelle, grâce au flou et à la torpeur de l’émotion, grâce au mélange confus des souvenirs et des espérances".

Il nous fait prendre conscience que dans le domaine de la musique la durée est structurée sur des rythmes et non sur une base temporelle régulière.

Bien malin d’ailleurs celui qui, pris dans la magie d’un concert, serait capable de dire sans sa montre le temps qu’a duré l’interprétation.

Nous sommes loin de ce temps compté qu’il faut remplir frénétiquement comme on remplit avidement son estomac pour combler l’angoisse du vide parce que nous avons justement perdu le sens de la valeur du temps qui passe.

Il est bien difficile de séparer le temps vécu de l’expérience à laquelle il est attaché et combien ce temps sera vide s’il n’est rempli que d’instants saccadés d’une vie trépidante.

Mais même le temps objectif des savants, que l’on croyait universel, invariable et se déroulant depuis la nuit des temps (oui mais elle commence quand la nuit des temps il y a 13,7 milliards d’année ?) et promis à une future éternité, est devenu relativiste avec ce sacré Albert ou un certain Henri Poincaré qui écrivait avant lui "la simultanéité de deux événements, ou l’ordre de leur succession, l’égalité de deux durées, doivent être définies de telle sorte que l’énoncé des lois naturelles soit aussi simple que possible" laissant ainsi la porte ouverte à une redéfinition scientifique du temps que, dans son intuition immense et géniale, Albert Einstein a imaginé avant même qu’on ne puisse vérifier qu’elle s’accordait avec l’observation.

Ce temps dont on ne sait pas, lorsqu’il s’écrase sur le mur de Planck, s’il s’agit d’une grandeur physique ou une illusion, "une propriété émergente des ingrédients élémentaires du monde"?

Saint augustin, dans sa fameuse confession XI, écrivait "Ces deux temps-là donc, le passé et le futur, comment “sont”-ils, puisque s'il s'agit du passé il n'est plus, s'il s'agit du futur il n'est pas encore ? Quant au présent, s'il était toujours présent, et ne s'en allait pas dans le passé, il ne serait plus le temps mais l'éternité".

Cette éternité à laquelle il attribue une nature divine dans sa vision théologique dispensant ainsi les croyants de la moindre question sur sa nature et son origine laissant, les pauvres pêcheurs que nous sommes, récolter qu’une infime poussière qui nous est accordé et dont parle magnifiquement Charles Baudelaire lorsqu’il écrit en commentaire de l’œuvre d’Eugène Delacroix "Les massacres de Scio": 

Car c’est vraiment, Seigneur, le meilleur témoignage

Que nous puissions donner de notre dignité

Que cet ardent sanglot qui roule d’âge en âge

Et vient mourir au bord de votre éternité !

Comment ne pas évoquer, à propos de cette relation fictive à un temps infini évoqué par Davide Castelvecchi, la pensée d’Henri Poincaré qui prend toute sa dimension lorsqu’il écrit parlant de la vérité scientifique et de la vérité morale « toutes deux ne sont jamais fixées : quand on croit les avoir atteintes, on voit qu’il faut marcher encore, et celui qui les poursuit est condamné à jamais connaître le repos » ?

Jamais ? Pas si sûr puisque ce temps que l’on perçoit, dont on devine l’existence et que l’on sent se dérouler de plus en plus vite au fur et à mesure que l’âge avance, nous prenons la conscience viscérale qu’il finira un jour.

Le temps qui nous manque, celui que nous passons avec nos amis, celui qui efface nos blessures, celui que l’on voudrait retenir, celui qu’on voudrait oublier, celui qui n’en finit plus de s’écouler, celui qu’on attend avec impatience, celui mis par un champion pour réaliser son exploit, celui que mesure les astronomes en explorant le fin fond de l’univers, celui, infinitésimal, pendant lequel des savants aperçoivent la saveur du boson de Higgs.

Au fond le temps ne peut pas se laisser enfermer ni dans un carcan de mesure unique qu’il soit compté par les savants pour comprendre le monde ou plus simplement par les hommes pour vivre ensemble, ni dans une forme unique d’expérience qu’elle soit vécue dans les différentes aspects évoquées par Bachelard ou qu’il s’agisse de ces nombreux rythmes biologiques qui se synchronisent pour construire une horloge animant la symphonie de notre corps que Ferdinand Gonseth évoque.


Patrice Leterrier 

16 août 2012

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12 août 2012 7 12 /08 /août /2012 13:18

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M

ichel Alberganti cite une étude de James McNulty, psychologue de l’université de Floride, qui "prend à contre pied une tendance dans la recherche qui, au cours des dernières années, a favorisé une approche positive de la psychologie assurant que le pardon, l’optimisme et la gentillesse pouvaient améliorer les relations".

Qui n’a pas vécu, au moins une fois dans sa vie, une situation d’humiliation, de moquerie à son égard, de maladresse alors que la nécessité sociale (lien hiérarchique par exemple) nous obligeait à "rentrer" un mouvement naturel de colère ?

Le souvenir en reste gravé souvent à jamais et le ressentiment envers la (ou les) personne(s) impliquée(s) profond.

Mais je ne suis pas sûr qu’il faille opposer pour autant pardon et colère comme semble le faire l’auteur de l’étude.

N’a-t-on pas l’intuition que ce qu’il y a de pire c’est cette incapacité de combattre ce traumatisme, ce sentiment de honte, de rage, de dégout qui nous ronge, nous détruit et se traduit parfois par une «colère rentrée» que l’on retourne souvent contre soi parce qu’on a été incapable de l’exprimer ?

Le proverbe dit "on ne peut pas mettre le vent en cage".

La peur et la colère (d’autres sentiments comme la joie, la tristesse) font partie de l’héritage de notre cerveau reptilien.

Ils ont été sélectionnés au cours de l’évolution parce qu’ils étaient utiles pour la pérennité de notre espèce.

Chercher à contenir à tout prix sa colère, à pardonner sous le coup ne peut souvent que renforcer la blessure endurée et ajouter un peu plus de frustration du fait de cette épreuve que l’on cherche à s’imposer.

"L'esprit règne, mais ne gouverne pas", écrivait Paul Valéry.

C’est probablement une des limites des approches de "pleine conscience" préconisées par Christophe André s’opposant à "des innombrables thérapies plus ou moins sauvages encourageant les patients à exprimer de manière parfois violente (comme dans le cri primal) leurs émotions présentes, ou autrefois refoulées".

Il y a cependant un malentendu sur la notion d’accueil de ses émotions préconisée dans cette nouvelle forme de méditation.

Comme le précise Christophe André, il ne s’agit ni d’adhérer à son ressenti du point de vue "jugemental", pouvant conduire à une escalade de dévalorisation personnelle, ni de l’écarter de sa conscience mais bien du maintien de l'attention dans l'instant présent (sans juger, ni anticiper, ni ruminer).

A l’inverse de l’acceptation de la colère, le pardon morbide dont parle Boris Cyrulnik (qui consiste par exemple à s’attacher à l’auteur d’une agression) n’aide pas à la reconstruction d’une identité mais au contraire maintient la personne dans son traumatisme.

Le célèbre psychiatre indique que l’acte de pardonner fait partie du processus de reconstruction de sa vie après un traumatisme, mais il précise que l’on ne le peut pas forcément.

Notre culture judéo-chrétienne donne au pardon un statut de "norme éthique" alors qu’il semble plus important d’apprendre à vivre avec ses traumatismes sans s’imposer ce "rituel" du pardon.

"Tendre l’autre joue" participe à un processus de dévalorisation personnelle (je mérite les punitions que je subi) ou à une sorte de tendance schizophrène consistant à "chosifier" l’autre puisque ses coups ne m’atteignent pas.

Alors une bonne colère bien exprimée sans violence physique permet peut-être de diminuer dans l’instant l’impact du traumatisme et donc d’arriver plus facilement à un éventuel pardon réparateur ou du moins à une acceptation de son traumatisme.

Encore faut-il que la dite colère soit "justifiée" et proportionnée et ne crée pas en retour chez celui qui la subit un ressentiment voire une colère conduisant à une dangereuse escalade.

Encore faut-il aussi que cette colère n’ait pas l’effet inverse c'est-à-dire ne fasse que renforcer le traumatisme en l’enkystant parce qu’il se trouve associer à un état émotionnel fortement négatif.

Exprimer plus librement ses émotions peut être parfois certes nécessaire mais réhabiliter sans condition la colère n’est sans doute pas souhaitable dans un monde où la promiscuité est si grande et où une des conditions de la vie en commun paisible est tout de même l’acceptation de l’autre, les vertus indispensables de l’altérité et de la tolérance.


Patrice Leterrier 

12 août 2012

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4 août 2012 6 04 /08 /août /2012 19:03

homme_femme_dos.jpg

S

imone de Beauvoir affirmait "on ne nait pas femme, on le devient".

Cette pression idéologique douce du mouvement féministe affirmant qu’il n’existe pas de différence entre les sexes pourrait-elle expliquer que ce domaine soit aussi peu exploré en France ?

Et pourtant les femmes ne se distinguent pas des hommes uniquement par leurs seins, leurs utérus et leurs ovaires ni même leur espérance de vie supérieure en moyenne de 7 ans (en France) mais par bien d’autres aspects de leurs aptitudes et comportements.

En cas de lésion cérébrale, les femmes récupèrent plus vite et souffre moins d’aphasie.

Les femmes se réveillent prés de deux fois plus vite que les hommes d’une anesthésie générale.

L’autisme touche plus les hommes que les femmes.

Elles sont par contre deux à trois plus susceptibles d’être touchées par la sclérose en plaques.

Pendant leurs règles les femmes traitent les informations visuelles préférentiellement avec leur hémisphère gauche (elles se comportent alors comme des hommes) tandis qu’après l’ovulation, lorsque les concentrations hormonales augmentent, les deux hémisphères participent de façon équilibrée au traitement de l’information sous l’influence prépondérante de la progestérone.

La ménopause rétablit en quelque sorte l’égalité homme-femme dans le traitement des informations sauf bien sûr en cas de traitement par des hormones de substitution.

Mais la simplification qui consiste à qualifier l’hémisphère droit comme celui des émotions et le gauche comme celui du langage doit être nuancée car les pics d’activités que l’on voit avec l’IMRf ne sont que le sommet d’un iceberg cérébral beaucoup plus complexe puisque les deux hémisphères collaborent en permanence.

Il faut aussi être prudent sur ces tests cognitifs qui semblent dire que les femmes réussissent mieux quand il s’agit d’évaluer la vitesse de perception, la coordination des mouvements de précision et le langage alors que les hommes se distinguent lorsqu’il s’agit de problèmes de constructions spatiales, de la vision dans l’espace et du raisonnement. Ces différences ne créent en aucun cas une hiérarchie.

Inutile de pavoiser et de sombrer dans un machisme déplacé messieurs parce que les neurologues danois Bente Pakkenberg et Hans Gundersen ont estimé que le cortex féminin contient 3,5 milliards de neurones en moins que celui de l’homme.

Calmez-vous ! Cela représente entre 3 et 4% du total et surtout il n’y a aucune raison de penser que nos capacités cognitives soient uniquement liées au nombre de neurones (quoique … J ) !

Le quotient intellectuel (mesure-t-il l’intelligence ?) n’est pas fonction du poids du cerveau ni du sexe et nos capacités cognitives semblent plus être fonction du nombre de connexions que du nombre de neurones.

Un peu comme l’"intelligence" d’un ordinateur dépend plus du nombre d’interfaces entres ses différents programmes fonctionnels que de la taille de sa mémoire vive.

Même si les neurologues ont trouvé que quelques amas de neurones de l’hypothalamus sont de tailles très différentes entre l’homme et la femme (cette zone participe au contrôle du système hormonal et influe sur le comportement sexuel et la reproduction) ;

Même si les zones postérieures du corps calleux ont des activités électriques plus importantes chez la femme permettant probablement une meilleure communication des hémisphères ;

Même si les hémisphères de la femme se ressemblent plus que ceux de l’homme qui sont nettement plus asymétriques permettant de traiter des informations plus rapidement alors que les hémisphères identiques de la femme la rendent moins vulnérable à des lésions.

Malgré ces différences et d’autres, ne perdons pas de vue que les écarts entre les personnes dépassent souvent largement les valeurs statistiques entre les hommes et les femmes.

Sans aucun doute le cerveau de l’homme et celui de la femme sont différents.

Ces différences concernent le langage, la mémoire, la vision, les émotions, l’audition et le repérage spatial et la réponse cérébrale aux hormones du stress.

Elles seraient dues partiellement à des raisons anatomiques innées mais aussi à l’influence des hormones et de l’éducation sur l’épigénèse.

Les hommes ne viennent pas plus de Mars que les femmes de Vénus mais il serait stupide de prétendre qu’il n’y ait pas de différence entre nos cerveaux respectifs.

Enfin tordons le cou à une légende : les hommes ne sont pas plus agressifs que les femmes dans le couple. Ils sont simplement beaucoup plus dangereux à cause de leur supériorité physique.

Le mâle est incontestablement plus belliqueux que la femelle chez les mammifères à une exception près : l’hyène tachetée (ou rieuse) femelle est plus agressive que le mâle mais elle présente une plus grande concentration de testostérone dans le sang que son compagnon.


Patrice Leterrier 

4 août 2012

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2 août 2012 4 02 /08 /août /2012 19:59

enfant robot

S

ur son blog, Michel Alberganti nous propose des vidéos du robot Affetto représentant un bambin dont le réalisme expressif est saisissant.

Ces figurines ont été construites dans le cadre d’un programme de recherche en "Cognitive developmental robotics" conduit par Minoru Asada.

De plus en plus d’expérience mettent en scène des robots ayant une apparence et des comportements réalistes.

Ils ne se contentent pas de réaliser des actions automatiques mais ils semblent réagir à leur environnement et exprimer des émotions.

Se pose alors clairement, dans nos interactions avec ces machines, la question du champ d’application de la théorie de l’esprit, cette capacité que nous avons d’attribuer un état mental aux autres (croyances, intérêts, intentions, désirs, sentiments, émotions…).

Frank Hegel et Sören krach ont publié en 2008 les résultats de leurs travaux sur la façon dont les actions d’un robot sont perçues par l’homme.

Pour ce faire ils ont utilisé le célèbre dilemme du prisonnier avec un partenaire humain, un robot humanoïde, un robot fonctionnel et un ordinateur.

Le résultat obtenu est qu’il y a une activation d’autant plus forte de zones du cortex spécialisées dans l’élaboration d’une théorie de l’esprit que les joueurs ont à faire à un humain ou à un robot humanoïde.

Hiroshi Ishiguro, de l’université d’Osaka, est le père de la "charmante Robote" Actroid et de Geminoïd HI-2 un robot qu’il a conçu à son image.

Il l’a utilisé pour faire son cours à sa place grâce à une télécommande.

D’après lui, ses étudiants s’impliquaient émotionnellement avec son double artificiel.

Il est persuadé que “les robots peuvent être les partenaires des humains et le deviendront”.

Dans l’article du numéro 36 de Cerveau & Psycho Mon ami le Robot, Myriam Ruhenstroth traite de la relation entre des enfants et le robot jouet dinosaure Pléoet de celle entre des personnes âgés souffrant de démence et le robot phoque Paroqui leurs permet, semble-t-il, de maintenir leurs capacités cognitives et de créer du lien social.

L’apparence sympathique des robots animaux joue un rôle important à court terme parce qu'elle facilite les interactions des personnes avec la machine mais à long terme, "ce qui compte, c'est que les compagnons ne deviennent pas trop prévisibles et, par conséquent, ennuyeux". 

Michel Alberganti évoque le malaise que lui procure la confrontation au robot Affetto.

Vient-il de la dissonance cognitive qui s’installe parce que nos perceptions décèlent des émotions chez des entités que nous qualifions au niveau percept comme des objets ?

Sommes-nous devant des informations incohérentes qui peuvent nous alerter et créer peut-être le malaise que nous ressentons ?

A moins que nous soyons victimes du phénomène décrit pour la première fois en 1970 par le chercheur en robotique japonais Masahiro Mori.

Il avait constaté que les images de robots deviennent de plus en plus sympathiques à mesure qu’ils ressemblent plus à des êtres humains mais que, si la copie devient "trop parfaite", l'effet s'inverse : les robots qui nous ressemblent en tout point deviennent inquiétants.

Selon lui, nous entrons alors dans ce qu’il appelle la "vallée de l’angoisse" parce qu’une ressemblance trop réaliste évoquerait des revenants ou des zombies.

Les fabricants du petit dinosaure Pléo et du phoque Paro ont contourné cette difficulté puisque, sauf à être paléontologue ou expert des zones polaires, nous avons peu ou pas d’information sur l’aspect et le comportement de ces animaux.

Ces deux robots ont des aspects fort sympathiques mais pas le moins du monde réalistes.

Le professeur Herbert Clark pense, quant à lui, que les humains savent parfaitement faire la distinction entre l’homme et le robot et que les robots n’arriveront jamais à "proposer un niveau d’interaction analogue à celui qui existe entre les humains". Selon lui "l’absence de désir et de libre arbitre chez les robots limitera toujours la perception qu’en auront les êtres humains".

Peut-être a-t-il raison mais peut-être aussi qu’un jour pas si lointain un de ces robots androïdes sera capable de réussir le test de Turing c'est-à-dire de se faire passer pour un humain.

Ce jour là la question risque d’être de savoir comment les hommes garderont-ils le contrôle de ces machines qu’ils auront créées et quel avenir pour cette posthumanité ?



Patrice Leterrier 

2 août 2012

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24 juillet 2012 2 24 /07 /juillet /2012 20:00

Neanderthal

I

l ne faisait peut-être pas aussi chaud qu’aujourd’hui en Août 1856 lorsque deux ouvriers travaillant dans une carrière, située dans la vallée de Neander sur la rive de la Düssel à proximité de Düsseldorf, découvrent les restes de ce qui va s’avérer être un nouveau type humain que l’on nommera l’homme de Neandertal.

Les hypothèses fuseront depuis la plus farfelue parlant des restes d’un soldat mongol de l’armée du général Alexandre Tchernitchev ou encore de ceux d’un homme moderne microcéphale ou rachitique ou même d’un homme fossile représentant un stade primitif de notre espèce.

Certains cependant y voyaient déjà un spécimen d’une espèce humaine disparue Homo Neanderthalensis.

Il faisait probablement beau temps le lundi 3 août 1908, lorsque les jeunes abbés Jean et Amédée Bouyssonie, fouillant une grotte appelée la Bouffia Bonneval située sur la commune de la Chapelle-aux-Saints au sud de Brive-la-Gaillarde, découvrent un squelette humain enterré dans une fosse.

Sur les conseils de l’abbé Breuil, ils confient leur découverte à Marcellin Boule, alors célèbre professeur de paléontologie au Muséum d’histoire naturelle.

Dès le premier examen, Boule est convaincu que ce squelette est celui d’un néandertalien.

Si Neandertal a été longtemps représenté comme un être primitif, simiesque, une sorte de brute épaisse, c’est largement due aux interprétations de Marcellin Boule.

Selon lui, il ne peut s’agir que d’un être «très primitif au point de vue intellectuel».

La presse s’emparera de la nouvelle et l’illustration du 20 février 1909 y consacrera cinq pages agrémentées d’une composition fantaisiste du peintre Frantisek Kupka représentant un Neandertal simiesque et primitif.

Le Tout-Paris se presse au Muséum pour découvrir ce chainon manquant entre l’homme et le singe.

Il nous faut pourtant aujourd’hui revoir radicalement cette vision qui donnait du sens à la poursuite de l’aventure d’Homo sapiens, justifiant en quelque sorte la disparition d’espèces inférieures.

Marylène Pathou-Mathis, dans le dernier Dossier pour la science, nous apprend que les néandertaliens pratiquaient en fait à peu près toutes les activités que l’on pensait propres à Homo Sapiens.

Ils avaient des stratégies de chasses élaborées, une alimentation variée, ils enterraient leurs morts, ils avaient une culture matérielle symbolique (pigments, coquillages perforées, serres et plumes à usage ornemental) et des qualités artistiques comme en témoigne les traces de main de la grotte d’El Castillo dans le nord de l’Espagne.

La découverte du gène FOXP2 néandertalien (impliqué chez l’homme moderne dans la parole et le langage) conforte les observations paléoanthropologiques et notamment la morphologie du cortex  cérébral mettant en évidence la présence des aires de Broca dans le cerveau néandertalien : les Néandertaliens maîtrisaient le langage articulé. 

Pierre Barthélémy reprend sur son blog passeur de science une étude internationale que vient de publier la revue Naturwissenschaften qui semble indiquer également qu’ils consommaient des plantes aux vertus médicinales.

L’existence du gène TSA2R38 chez Neandertal codant les protéines capables de détecter la phénylthiocarbamide (un composé amer présent dans les plantes) semble confirmer le caractère culturel de la consommation de plantes médicinales comme la camomille ou l'achillée millefeuille dont on ne peut pas dire qu’elles soient particulièrement agréables au goût,

L’enquête sur les causes de la disparition de Neandertal il y a environ 30 000 ans démontre qu’elle ne s’explique ni par une intelligence moindre, ni une alimentation peu diversifiée, ni par une extermination par l’homme moderne.

La conjugaison de multiples facteurs (climat difficile, compétition avec homo sapiens, fertilité et durée de vie moindre, métabolisme énergétique moins efficace, …) semble plutôt expliquer leur progressive disparition d’après Kate Wong.

Pour compléter notre vision de l’histoire de l’homme il y a aussi cette formidable découverte en 2008 d’un troisième larron : l’homme de Denisova dont l’ADN prouve que ce n’est ni un homme moderne ni un néandertalien mais il avait probablement avec eux un ancêtre commun qui vivait il y a 1 million d’années (Homo Heidelbergensis).

Ces avancées des paléontologues démontrent que loin d’avoir été une exception, l’homme moderne s’est trouvé en compétition avec des cousins comme Neandertal, Denisova et peut-être d’autres que l’on découvrira ou qu’on reclassera grâce aux analyses maintenant possibles de l’ADN.

Ce sont ces progrès qu’on a pu récemment démontrer que les deux espèces cousines se sont «connues» au sens biblique au Proche Orient, il y a environ 80 000 ans.

Ces «cousins» auraient tout à fait pu, dans d’autres conditions, subsister voire supplanter homo sapiens.

Une raison de plus, si c’était nécessaire, de bien veiller à notre environnement pour que l’aventure d’Homo Sapiens ne finisse pas comme celle d’Homo Neanderthalensis.


Patrice Leterrier 

23 juillet 2012

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