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18 octobre 2009 7 18 /10 /octobre /2009 13:21


A

 la demande des ministères en charge de la santé et de l'environnement, l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset) a réalisé  une "expertise collective" de très grande ampleur sur les effets biologiques et sanitaires de la téléphonie mobile et plus généralement des radiofréquences.

Pour une fois les experts de différentes disciplines, "dans un souci de transparence", ont réussi, non sans difficulté, à faire participer à leurs travaux les associations françaises mobilisées sur la thématique des risques sanitaires de la téléphonie mobile.

Les résultats de ces travaux, qui ont réclamé pas moins de 19 auditions, sollicité 13 contributions écrites et l’analyse de près de 3.500 études sur les radiofréquences en général (téléphones portables, Wifi,  radios, four à micro-ondes, etc.), sont consignées dans un rapport  de 469 pages.

Dans l’avis prononcé par l’Afsset on peut lire :

"Le rapport de l’Afsset met en évidence l’existence d’effets des radiofréquences sur des fonctions cellulaires, rapportés par une dizaine d’études expérimentales considérées par l’Afsset comme incontestables. Néanmoins aucun mécanisme d’action entre les radiofréquences et les cellules pour des niveaux d’exposition non thermique n’a été identifié à ce jour."

Nous voilà donc presque rassurés, prêts à jeter un regard goguenard sur tous ces messages alarmistes reliés par des gourous en quête de notoriété et aux arrière-pensées clairement mercantiles (je ne pense à personne en particulier…quoique ?).

Les experts n’ont rien trouvé, aucune preuve pouvant faire condamner le prévenu.

En bon droit, on s’attend donc qu’il soit reconnu innocent car ce n’est pas au prévenu de démontrer son innocence mais bien à la société de prouver sa culpabilité.

Mais voici la conclusion bien surprenante des experts :

"Face à ces incertitudes, l'Afsset considère qu'il convient d'agir et fait les recommandations suivantes :

développer la recherche, pour lever les incertitudes qui demeurent et se tenir aux aguets des signaux nouveaux qui émergeraient;

réduire les expositions du public."

On ne peut que saluer la demande de poursuite des recherches et la vigilance conseillée mais la seconde proposition laisse pantois !

L’Afsset avait pourtant dans son avis (recommandation 3) souligné qu’il convenait "de peser avec soin les conséquences, pour la population générale (enfants, etc.) et pour les utilisateurs de téléphonie mobile, d’une réduction de la puissance des antennes relais qui pourrait conduire à l’augmentation de l’exposition à la tête aux radiofréquences émises par les téléphones mobiles".

Mais dans un contrepied surprenant, et arguant que la science ne pouvait formellement montrer "l'inexistence d'un risque", elle recommande l’application du principe de précaution dans une curieuse inversion de la charge de la preuve.

A ce principe là, il n'est pas prouvé que l'exposition prolongée devant un écran de télévision à des émissions débilitantes n'ait pas d'effets à long terme sur la santé intellectuelle et mentale des  téléspectateurs jeunes ou moins jeunes.

On devrait donc au nom de cette nouvelle interprétation à l'envers du principe de précaution, qui renverse la nécessité de la preuve du risque en la nécessité de la preuve qu’il n’y a aucun risque, interdire aux producteurs de nous abreuver de niaiseries indigestes.

S’agit-il d’une inversion épistémologique déroutante ou plus inquiétante d’une aversion de plus en plus dominante à la modernité, à la notion de découverte, de nouveauté qui suppose toujours une certaine part de risque ?

Mais n’est-ce pas plus une sorte de pirouette laissant, comme il se doit, les politiques devant leurs responsabilités ?

Car au fond, en maniant le chaud et le froid, les scientifiques de l’Afsset ne disent-ils pas simplement que les décisions ne sont pas de leurs ressorts ?

Le principe de précaution qu’ils évoquent sera-t-il ainsi mis en avant pour masquer un principe beaucoup plus courant en politique de nos jours celui de démission ?


Patrice Leterrier

18 Octobre 2009

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