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15 novembre 2012 4 15 /11 /novembre /2012 18:52

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Un article du Journal of Consumer Research nous apprend que “l’apparence physique de l’argent peut altérer le comportement en matière de dépense”.

Amusant ce rapport "physique" que nous aurions avec le papier monnaie et qui nous pousserait à être plus dépensiers lorsqu’il s’agit de coupures usagées que lorsque nous tenons dans nos mains des billets flambants neufs.

Cela me rappelle les réflexes conservateurs de nos aïeuls qui gardaient les "habits neufs" pour les grandes occasions, qui servaient d'abord le pain de la veille, le fruit légèrement gâté, qui couvraient leurs fauteuils avec des housses et qui nous imposaient des patins pour marcher sur le parquet plus ou moins reluisant de leurs modestes demeures.

Et je ne vous parle pas du soin méticuleux qu’ils prenaient à couvrir religieusement LE poste de TSF dont la petite lumière verte scandait en vacillant la voix, souvent troublée de parasites, du commentateur radiophonique.

Mais peut-être aussi que ce reflexe de nous séparer rapidement de ce qui a l’air usagé vient aussi du fait qu’aujourd'hui tout se consomme neuf et dans l'instant.

Nous sommes devenus en quelque sorte les esclaves de cette immédiateté et de cette soif de nouveauté qui règne en maître de nos jours.

Si en 2006, l'internaute abandonnait un site s'il répondait en plus de six secondes, aujourd'hui une vidéo qui ne démarre pas dans les 2 secondes a des chances de ne pas être regardée et le taux d'abandon augmente de 6% pour chaque seconde supplémentaire.

Plus encore, des études conduites par Google et Microsoft montrent qu’une page web qui s’affiche en plus de 250 millisecondes risque d’être abandonnée par l’utilisateur.

Harry Shum, célèbre gourou de Microsoft déclare : “Two hundred fifty milliseconds, either slower or faster, is close to the magic number now for competitive advantage on the Web

A titre de référence, un clignement d’œil prend environ 400 millisecondes.

Notre impatience est probablement largement liée au fait que tout parait instantané aujourd’hui avec l'envahissement des smartphones, des tablettes, de la télévision.

Mais cette impatience devant les fantastiques outils de communication dont nous disposons ne semble pas se résumer à ce seul domaine.

On refuse de plus en plus d’avoir à attendre pour obtenir tel ou tel résultat, tel ou tel bien de consommation.

L’une des causes du succès inquiétant pour la santé publique des fastfoods n’est-elle pas liée à la rapidité avec laquelle on peut consommer ce qu’on croit avoir choisi alors que ce choix est largement conditionné par la publicité et la composition de ces big machins soigneusement concoctés par des apprentis sorciers qui jouent avec notre santé en essayant de nous rendre addicts à leurs créations.

Quelle différence il y-a-t-il entre un Iphone 4 et un Iphone 5 ? D’aucuns vous diront que le nouveau est plus fin, plus léger, plus rapide (tiens, tiens…) mais tous les deux permettent, à titre presqu’anecdotique, de téléphoner et la plus grosse différence n’est-elle pas celle qui sépare le chiffre 4 du chiffre 5, celle qui sépare l’ancien du nouveau, celle qui permet à la firme à la pomme de faire fortune en créant non pas des objets utiles mais une mode qui lui évite d’avoir à se comparer à la concurrence ?

Essayez aussi de faire porter aux cadets les habits de leurs ainés, ou d’expliquer à un écolier que son cartable de l’année dernière peut encore lui servir.

Bientôt l’expression "une seconde s’il vous plait" devra se dire "un quart de seconde s’il vous plait" si on ne veut pas irriter son interlocuteur en attendant peut-être que nos montres battent le quart de seconde.

Mais que faire alors de ces trois quart de seconde économisé ?

Peut-être réfléchir à ce que veut dire cet emballement du temps.


Patrice Leterrier 

15 novembre 2012

 

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