Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
26 mars 2013 2 26 /03 /mars /2013 17:18

 

La nébuleuse de la tête de cheval


La nébuleuse de la tête de cheval

 

 

S

 

ur son blog, Sylvestre Huet rapporte la surconsommation de médicaments contenant de l’iode par les français lors du pic de sensibilisation à l’accident de Fukushima.

Ce genre de comportement, alors même que l’absorption d’iode n’est pas sans danger et que les retombées de Fukushima sur le sol de la métropole n’étaient même pas mesurables, démontre le difficile rapport entre les scientifiques et le grand public.

Il faut dire que le précédent du fiasco de communication lors de l’accident de Tchernobyl pouvait justifier une certaine méfiance envers les autorités.

Dans la relation du grand public avec la science, Etienne Klein rappelle aussi combien la science est souvent contre-intuitive. Il y voit une des raisons de cet illettrisme scientifique des français. On se souvient de l’expérience de Galilée à Pise pour démontrer la loi de la gravitation universelle aujourd’hui reconnue sans difficulté mais qui allait à l’encontre de l’idée intuitive que la durée de chute des corps dépendait de leur poids.

On peut aussi citer la difficulté de faire la part des choses lorsque, souvent pour des questions d’intérêts, certains se plaisent à manipuler la science pour semer le doute face à un consensus gênant.

On se rappelle de l’attitude des fabricants de cigarettes face à l’évidence du lien entre la consommation de tabac et le cancer du poumon ou encore plus récemment l’offensive des climatosceptiques niant l’évidence d’un lien entre le réchauffement climatique et les émissions de gaz à effet de serre dues à l’activité humaine.

Mais l’illettrisme scientifique c'est aussi et peut-être d’abord une question de vocabulaire.

Pour comprendre il faut à la fois partager un vocabulaire et des règles grammaticales apprises depuis la plus jeune enfance.

Si les règles grammaticales semblent en général respectées par les scientifiques, il n’en est pas de même du vocabulaire utilisé qui manipule des objets dont la représentation même pose problème puisqu’elle échappe généralement à nos sens. Essayez donc de vous représenter par exemple un boson de Higgs.

Comment dès lors comprendre les interventions des scientifiques qui parlent dans leur jargon d’autant que la difficulté se corse encore du fait de certaines "inférences implicites", absolument obscures pour le vulgum pecus mais évidentes pour les têtes pensantes de ces "savants".

Albert Einstein disait "si vous ne pouvez expliquer un concept à un enfant de six ans, c'est que vous ne le comprenez pas complètement".

A lire certains écrits à vocation vulgarisatrice on peut parfois douter que leurs auteurs aient vraiment compris les concepts qu’ils exposent.

Je ne suis cependant pas sûr qu’Albert Einstein se soit appliqué à lui-même son précepte pour expliquer sa théorie de la relativité générale.

Je mets au défi un non-spécialiste (dont je suis) de comprendre l’objet même du prix Abel qui récompense le mathématicien belge Pierre Deligne "pour ses contributions fondamentales à la géométrie algébrique et pour leur impact continu sur la théorie des nombres, la théorie des représentations et les domaines connexes".

Le travail fait par les journalistes scientifiques pour rendre accessible les résultats de la science au commun des mortels est à la fois essentiel et considérable mais il faudrait plus encore.

Alors que la science et la technologie bouleversent littéralement notre mode de vie voire notre mode de pensée, le désintérêt général pour la science commence dès la plus tendre enfance.

Nos gamins manipulent avec une agilité impressionnante et de plus en plus jeunes, smartphones, tablettes et autres consoles de jeux et pourtant le corps enseignant n’est absolument pas armé pour alimenter chez eux cette sensibilité et cette curiosité pour la science et la technologie qui sont pourtant les fondements même de tout apprentissage.

De plus, l’école française fait preuve d’une sorte de manichéisme archaïque en opposant les filières dites littéraires des filières scientifiques et technologiques. La bosse des maths est encore trop souvent mise en avant pour justifier un désert éducatif.

La tâche est donc rude pour désenclaver la connaissance scientifique de son ghetto.

La première des priorités n’est-elle pas de ne pas désespérer la curiosité naturelle des plus jeunes au prétexte qu’"ils ne peuvent pas comprendre" alors que le problème c’est qu’on ne fait rien pour que les professeurs des écoles puissent simplement "expliquer" et surtout donner le goût de la science à nos bambins ?


Patrice Leterrier

26 mars 2013

Fichier PDF

Partager cet article
Repost0

commentaires