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7 janvier 2014 2 07 /01 /janvier /2014 22:21

Portrait-de-Marion.jpg

S

 

i d’aventure quittant au niveau d’Endoume la promenade de la corniche à Marseille, vous choisissez de vagabonder, vous pourrez découvrir le charme désuet de la station marine d’Endoume construite entre 1883 et 1886.

Ce bâtiment aujourd’hui un peu défiguré par ses extensions faites au début des années 60, est situé à l’emplacement d’une ancienne batterie côtière au nom évocateur de batterie des Lions non loin de la Calanque de Malmousque où furent aménagés les bains militaires en 1846.

La calanque doit son appellation au fait que les ouvriers italiens venaient y nettoyer leurs tapis dont la saleté repoussante attirait les "malmosques" (les mauvaises mouches).

Il se trouve dans un des plus vieux quartiers de Marseille dont le port s’appelait dès le XIIIème siècle le portus de domezes. Il devint Doume au XVIIIème siècle. On allait en Doume comme on va en Avignon, d’où son nom aujourd’hui.

Des fenêtres de la station, on peut admirer la presque totalité du golfe de Marseille, sur l’horizon l'ile du Planier avec la silhouette de son phare comme un I majuscule et près de la côte un petit ilot sur lequel, en 1423, Alphonse d’Aragon aurait fait pendre 12 otages et qui porte depuis le nom d’ilot des pendus.

L’âge de la Station Marine d'Endoume, illustre siège de l'Océanographie marseillaise, se confond presque avec celui de la discipline qu'elle illustre.

Ce monument est aussi indissociable du nom d’Antoine-Fortuné Marion qui en fût l’instigateur et le premier directeur.

Dès le mois de mai 1891, un aquarium y fut ouvert au public et en septembre de la même année il accueillait le XXème congrès de l’Association Française pour l’avancement des Sciences.

Il n’est pas nécessaire de partager la passion d’Antoine-Fortuné Marion pour les nématoïdes errants à cuticule lisse pour s’intéresser à la courte vie de ce savant original et attachant.

Son nom est intimement lié au développement des sciences naturelles en général et à la zoologie marine en particulier qui vont connaître une période particulièrement faste à Marseille durant les 30 dernières années du XIXème siècle, moment d’exception de l'explosion scientifique.

A moins de 13 ans, il découvrit dans des carrières de gypse une feuille de magnolia qui lui valut la fidèle amitié du paléobotaniste aixois Gaston de Saporta. Sur la recommandation de ce dernier auprès d’Henri Coquand et d’Alphonse Derbès, professeurs de géologie et de Sciences naturelles, il devient à l’âge de 16 ans préparateur à la faculté de Sciences de Marseille qui loge à l’époque en haut des allées de Meilhan.

Il consacrait ses courts temps de loisir à de longues balades avec son ami Paul Cézanne (il fit son portrait). Marion avait reconnu très tôt le génie de l’artiste qu’il admirait.  Il s’essayait même avec un certain succès à la peinture dans l’ombre du maître. Il peint en particulier une vue de l’église Saint-Jean de Malte (1866), toute proche de sa maison natale, qui a longtemps été attribuée à Cézanne.

A 21 ans à peine, il découvre un important gisement de silex taillés dans le vallon de Gardes et il publie ses premiers travaux sur l’homme préhistorique et la faune quaternaire en Provence.

Il devient à 28 ans le très jeune directeur du laboratoire de biologie marine et à l’âge légal de 30 ans il occupe la chaire de zoologie.

Il ne se contente pas de ses travaux de recherche et publications. Il organise à 26 ans avec le maître pêcher Joseph Armand des campagnes de pêches et de dragage. Plus tard avec le remorqueur "Le progrès" il atteint une profondeur record de -350 mètres. Il participe aussi aux premières expéditions du "Travailleur" dans le golfe de Gascogne et en méditerranée.

Ce libre penseur, railleur et non conformiste, qui traitait de "tas de culs" les bourgeois aixois qui commençaient, en 1866, à prendre au sérieux "l'ami Cézanne", reste "une des plus pures gloires de l’université de Provence".

En dehors de la zoologie marine, ce savant éclectique nous laisse une foule de publications en botanique, en agronomie (il fut le premier à préconiser l’emploi du sulfure de carbone pour combattre le phylloxera), en géologie, en paléontologie qui l’avait fait remarqué par de Saporta, et même très tôt en préhistoire.

"Cette envergure peu commune lui permit d'aboutir àdes synthèses malheureusement trop rares, en particulier sur l'évolution du règne végétal (avec de Saporta, 1885), sur "les progrès récents en sciences naturelles" (1883) et sur la "Physionomie zoologique des Bouches-du-Rhône" (1891)".

Il ne survécut que 9 mois à la mort brutale à 25 ans de sa fille Marie-Virginie des suites d’une hépatite chronique.

Il s’éteignit, juste après le passage au 20ème siècle, à son domicile 22, Boulevard Longchamp tout près du Muséum d’Histoire naturelle dont il assura la direction pendant 20 ans. Il n’avait que 54 ans.

On peut admirer son buste sculpté par Constant Ambroise Roux sous les feuillages paresseux d’un magnolia devant l’aile droite du palais Longchamp.


Patrice Leterrier

7 janvier 2014

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