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9 septembre 2009 3 09 /09 /septembre /2009 08:16

 

L

a grippe A(H1N1) sera le sujet de la rentrée : on verra apparaître des gens masqués regardant les autres avec crainte, un éternuement va devenir un signe extérieur de danger, surtout s’il n’est pas couvert par un revers de manche, serrer une main un acte de courage un peu inconscient et une classe ouverte un miracle. Bonne aubaine les bambins en vacances forcées, moins bonne pour les parents coincés.

Et puis quelle diversion inespérée pour la taxe carbone qui fait presque l’unanimité contre elle ! Le réchauffement climatique effraye pourtant tout le monde et semblait un fond de commerce politique prometteur.

Il y a bien Claude Allègre qui semble avoir raison lorsqu’il qualifie de lilliputien la contribution de la France à ce fléau mais probablement tort lorsqu’il prétend que pour cette raison nous devrions nous dispenser de participer à l’effort mondial. Il y a aussi Ségolène Royal qui, sentant le vent tourner, fait des convulsions pour renier ses engagements verts en dénonçant cette taxe et réclame "une fiscalité écologique intelligente", ce qui paraît bien flou et démagogique.

Au fond que ce soit la grippe que Jacques Attali prend, avec un certain talent, en grippe sur son blog, que ce soit la taxe carbone et encore plein d’autres sujets d’actualité ce qui frappe aujourd’hui c’est cette extrême complexité des problèmes qui sont maintenant visibles au grand jour en temps réel et l’encore plus grande difficulté des experts et des politiques à se dépatouiller de tels imbroglios.

Même si les épidémiologistes semblent quant à eux pétris de leurs certitudes et multiplient les hochements d’épaule, même si les écologistes nouvellement convertis ou résistants de la première heure se drapent dans le droit des générations futures, il semble bien qu’il soit totalement impossible d’expliquer simplement les enjeux d’aujourd’hui et surtout de demain et encore plus d’y apporter des solutions limpides et consensuelles.

S’agit-il d’une complexité inhérente à l’évolution du monde, d’une absence de lucidité (ou de courage ?) des dirigeants, de l’incapacité des experts à communiquer l’immensité de leur savoir aux masses ignares que nous représentons ?

Einstein disait qu’un concept qui ne peut être expliqué à un enfant de six ans est un concept mal maîtrisé. Aujourd’hui nous sommes envahis par une surabondance d’informations noyées dans un bruit de fond souvent assourdissant.

L’incertitude qui en résulte est toujours le plus puissant moteur à la crainte.

Jack Shafer pose sur Slate.fr la question en forme de provocation de savoir si la démocratie a encore besoin de journalistes face à l’apocalypse médiatique à laquelle nous sommes confrontés? Il veut parler de ces "démodés capteurs et distributeurs d'informations vérifiées".

La question est aussi que devient, dans le brouhaha ambiant, la capacité des citoyens à se faire une opinion et donc d’une certaine façon comment peut s’exercer la démocratie dans un tel contexte ?

Lorsque l’information est complètement protéiforme pour ne pas dire contradictoire, lorsqu’il est si difficile de démêler le vrai du faux, l’info de l’intox, comment comprendre ?

Qui croire dès lors que les politiques en font l’enjeu de leurs ambitions et que les experts s’étripent sans pudeur sur la place publique ?

De toute façon personne ne sortira sans dommage du piège de la confusion orchestrée par des politiciens en mal de popularité et des journalistes avides de scoops.

Quoi qu’il arrive avec ce foutu virus, les autorités en auront ou trop fait (souhaitons le quand même) ou pas assez. Quel que soit le montant et la forme de redistribution associée à la taxe carbone se sera trop ou pas assez ou toujours dénoncé comme injuste pour certains.

Le danger est que le bon sens, que l’on peut encore suspecter présent chez beaucoup de français, conduise ces derniers par écœurement devant ce spectacle indigne à s’éloigner encore un peu plus de la politique alors qu’il paraissait possible sur cette pandémie et sur la taxe carbone d’obtenir une forme de consensus, une sorte de paix des braves face à un danger imminent ou plus lointain mais tout aussi réel pour l’avenir de la planète.

Patrice Leterrier

9 Septembre 2009

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