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12 avril 2009 7 12 /04 /avril /2009 09:22


I

l s’appelle Rafik. Il vit misérablement à Kağıthane dans la banlieue d’Istanbul. Il est marié et père d’une petite fille Fatiha. Il n’y a pas si longtemps, il partait le matin avant que le soleil se lève. La route était longue et il lui fallait ne pas rater le vieux bus poussif qui le conduisait jusqu’à l’atelier sordide d’Üsküdar où il passait plus de 15 heures par jour pour gagner ces misérables kurus qu’on lui donnait pour s’étouffer dans une atmosphère remplie de poussières. Il passait ses journées à vieillir des jeans pour des marques dont il voyait les immenses panneaux publicitaires sur les murs d’Istanbul. Quelquefois le vendredi, il allait admirait en famille le palais de Topkapi d’où il pouvait contempler le Bosphore et la mer de Marmara. Il y a maintenant six mois qu’il ne peut plus quitter son domicile. Monter quelques marches est un vrai supplice et il ne peut plus se déplacer sans être immédiatement essoufflé. Il tousse continuellement et souvent crache du sang. Comme des milliers de ses compatriotes, il souffre de silicose. La Turquie est devenu le leader mondial du blue-jean que l’on devrait maintenant appelé "prewashed-jean"…Le ministère de la Santé turc a enfin interdit l’utilisation de sable pour blanchir les jeans que portent les jeunes européens. Il a précisé que de nombreux cas de silicose avaient été constatés chez les ouvriers travaillant dans ce secteur où on utilise du sable pour le sablage et le blanchissage des jeans. Il n'y a pas de traitement efficace contre la silicose. La pulvérisation de sable est une technique interdite depuis des années en Europe et aux Etats-Unis. La silicose est une maladie qui entraîne une inflammation chronique et une fibrose pulmonaire progressive. Elle se traduit par une réduction progressive et irréversible de la capacité respiratoire, même après l'arrêt de l'exposition aux poussières. Impossible de remonter la chaine qui va du petit sous-traitant d’Üsküdar jusqu’aux grands couturiers ayant pignon sur rue à Paris et clamant haut et fort leurs soucis écologiques et humanitaires. Il y a aussi la petite Anh dào (cela veut dire fleur de cerisier) qui vient tout juste d’avoir dix ans. Tous les matins elle se lève pour rejoindre à pieds le petit atelier où elle travaille jusqu’à plus d’heure de la banlieue d’Hô-Chi-Minh-Ville. Elle fabrique ces chaussures qu’elle ne mettra jamais elle qui marche pieds nus mais que portent de petits écoliers qui courent en riant dans les cours d’école du XVIème arrondissement de Paris. D’après l’Organisation Internationale du Travail, l'Asie compte les deux tiers des enfants qui travaillent dans le monde. On estime qu'environ un enfant sur cinq travaille, parfois dans des conditions intolérables. Elle s’appelle Denise. Elle habite un petit HLM dans la banlieue de Roubaix. Elle vit avec sa fille de 16 ans qui lui cause bien des soucis. Elle vient d’avoir 45 ans. Elle est inscrite au chômage depuis bientôt deux ans. Elle travaillait dans une petite usine qui fabriquait des sous-vêtements féminins. Seulement la concurrence de la Chine était trop rude et l’usine a fermé ses portes. Elle vient de recevoir la notification de la fin de ses droits au chômage. Elle va être incapable de continuer à payer son loyer. Rafik est brisé dans son corps et ne peut plus subvenir aux besoins de sa petite famille, Anh Dào est privée d’enfance et Denise va être condamnée à la galère. Rien n’arrêtera la course folle à la recherche de toujours plus de profit. Le monde est malade de la cupidité des hommes.


Patrice Leterrier

12 Avril 2009

(*) : Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite ou…plutôt n’a rien de fortuit mais est un des effets désastreux de la pression des fonds de pensions sur des dirigeants dociles et complices.

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